Épisode 13
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Les poireux de M. FillonLes poireux de M. Fillon -
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Baisez utileBaisez utile -
Épisode 13
Sardines de campagneSardines de campagne -
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Les culottes de MarianeLes culottes de Mariane -
Épisode 5
Sardines de campagneSardines de campagne
« Je fais des petits paragraphes, moi ? »
Bookmakers #10 - L’écrivain du mois : Pierre Jourde
Né à Créteil en 1955, Pierre Jourde vit et travaille à Paris. Romancier « complexe », poète aux haïkus « tout foutus », théoricien du « double » ou de « l’authenticité », ce rigoureux professeur de lettres n’est que « secondairement », dit-il, le critique impitoyable que Saint-Germain-des-Prés découvrit avec l’essai « La littérature sans estomac » (L’Esprit des Péninsules, 2002) récompensé par l’Académie Française.
Sa reconnaissance fut aussi tardive que l’œuvre est prolifique. Pour se mettre en jambes, on lira d’abord son récit burlesque d’alpinisme amateur, « Le Tibet sans peine » (Gallimard, 2008), avant d’attaquer « Pays perdu » (L’Esprit des Péninsules, 2003, récit intime de son Auvergne « épique »), suivi du compte-rendu de la violente réception de ce texte, formulé dans « La première pierre » (Gallimard, Grand-Prix Jean Giono 2013). Les plus vaillant.e.s chemineront ensuite vers le déchirant « Winter is coming » (2017, ode au fils disparu) ou la somme de toutes ses obsessions : « Le Maréchal absolu » (2012).
En partenariat avec Babelio.
(3/3) Absolutely Maréchalous
« Je n’ai pas voulu être aimé. J’ai voulu être craint, jalousé, admiré. J’ai voulu étonner. Mais qu’est-ce qui va rester ? » La plupart des textes de Pierre Jourde sont fondés, en grande partie, sur la présence du mal, incarné par un personnage diabolique, inquiétant, monstrueux. Et l’empereur définitif de son enfer littéraire trône en majesté dans son roman « Le Maréchal Absolu », publié en 2012 chez Gallimard. Une fresque maboule de 728 pages sur l’ivresse du pouvoir et ses dérives totalitaires, posée sur les épaules grabataires du Maréchal Alessandro Y, occulte président à vie de la république imaginaire d’Hyrcasie, « croquemitaine clownesque recroquevillé dans son royaume microscopique », « un port et quatre kilomètres carrés d’une vieille cité de tourisme, de corruption et de prédation », assiégé par la rébellion, mélange mi-cocasse mi-coriace du Kadhafi final et du « Père Ubu » d’Alfred Jarry.
Empêtré dans un crépuscule grand-guignolesque, le tyran s’adresse à son dernier confident, le fidèle Manfred-Célestin, pour un monologue baroque et bouffon, un fleuve de paroles piégées, trouées par un savant pastiche de roman d’espionnage aux chausse-trappes permanents, constellé de sosies, de traîtres, de jumeaux et d’agents dormants. Pierre Jourde y accomplit la synthèse de ses recherches narratives et stylistiques, gorgée d’amples phrases précises et imagées, qui n’excluent pas des envolées pleines de gouaille qu’on croirait tirées des comédies de Bertrand Blier.
Ce pari « absurde », si rare, est le résultat de dix-sept années de travail et de plans sans cesse recommencés. Mais ce roman ne fut lu, à sa sortie, que par 3200 curieux. Penchons-nous malgré tout, dans ce troisième et dernier épisode, sur l’obstination de ce « polygraphe fou », avant d’évoquer un livre d’une terrible tristesse : « Winter is coming » (Gallimard, 2017), bouleversant récit des onze derniers mois de son fils Gabriel, mort à vingt ans d’un cancer extrêmement rare. Dans l’un des derniers souvenirs rapportés, Pierre Jourde écrit : « Tu dors tranquille dans le hamac, le vent parfumé se glisse dans tes boucles. Tu agites la main derrière nous, avant de rentrer avec ta tante dans l’ombre de la maison. »
Bookmakers